Ce qui tue l’abeille est peut-être avant tout l’ignorance
de ce qu’elle est, représente et apporte.
Je voudrais, par ce texte, contribuer à ouvrir les cœurs
à ce petit animal, un porteur essentiel de Vie, et à ce qu’il symbolise.

 

 

J’aime et vénère les abeilles et leur œuvre depuis toujours.

Il y a eu un moment(1) où j’ai voulu aller plus loin, et mettre la conscience sur les raisons de cet émerveillement. C’est cette recherche que je vais maintenant partager.

« Plus que tous les insectes, elles ont droit à notre admiration puisqu’elles sont les seuls animaux de ce genre qui aient été créés pour l’homme. »(2)

L’étymologie connue du nom de l’abeille est « apis ». Et dans le langage courant, on appelle avec bienveillance « abeille », une personne ardente dans son action, infatigable, concentrée sur son but.

On peut découvrir la vie de l’abeille par plusieurs biais : l’étude de connaissances en science naturelle, mais aussi de connaissances spirituelles et méditatives, avec l’aide par exemple de la pensée symbolique. En effet, « …tout est signe et tout signe est porteur de sens… » et « l’expression symbolique traduit l’effort de l’homme pour déchiffrer et maîtriser un destin qui lui échappe à travers les obscurités qui l’entourent », selon les auteurs du Dictionnaire des Symboles(3).

À cela s’ajoute un autre moyen d’étude : en effet, comme la Nature est une école, un modèle pour les créateurs, les artistes, et les fous de sagesse, on peut aussi apprendre de l’abeille, en l’observant dans un jardin, ou dans les champs, en tout cas, là où il y a des fleurs.

Une personne m’a dit qu’elle ne voulait pas manger de miel pour ne pas exploiter les abeilles. Peu après, j’ai appris que produire du miel, c’est parfois prendre aux abeilles tout leur miel ; elles sont alors nourries avec du sucre ! Et aussi que l’apiculteur est souvent en difficulté : par exemple, on lui vend l’essaim d’abeilles dans les 100/150 euros, plus tout le reste, plus la destruction des abeilles… À l’AMAP (ferme bio) où je vais, une solution a été d’ajouter un cadre de plus dans la ruche pour que les abeilles puissent manger leur production.
 

Symbolisme de l’abeille

1 – Dans Artémis et Apollon (chapitre 1)(4), Céline et Pierre Lassalle relient l’abeille aux « melissaï » ou « melittaï », prêtresses d’Artémis (elle-même reine des « abeilles »), et aussi à son origine hébraïque : « parole de Dieu », et nous font découvrir le symbolisme très élevé dont l’abeille est porteuse. En voici quelques éléments : « L’abeille, un être de l’élément feu, est reconnue comme purifiant par le feu et nourrissant par le miel… ». Elle « symbolise l’Âme pure de l’Initié, et globalement l’Esprit et le Verbe (ou Parole)… l’éloquence, la poésie et l’intelligence… Elle est reliée au potentiel de résurrection, à l’immortalité, et aussi à la perfection. Elle symbolise la force de l’individu reliée au collectif… »

2 – En complément, on découvre dans des ouvrages sur les symboles, que l’abeille était déjà respectée en Égypte ancienne. Son bourdonnement est considéré comme un chant, son miel également : Orphée doué « d’une voix merveilleuse, que les Grecs connotent par le miel, est un poète mythique, le maître exemplaire de la parole chantée. Il charme les hommes, des plus musiciens aux plus sauvages, et aussi les plantes, les animaux les plus féroces, jusqu’aux pierres… »(5)

Virgile aussi, comme beaucoup d’autres auteurs, la célèbre(6) : « Enfin je vais chanter le peuple industrieux / Qui recueille le miel, ce doux présent des cieux… »

3 – Si on l’observe pour apprendre d’elle, on peut, en regardant l’abeille vivre, discerner les qualités qu’elle nous montre et les développer en soi-même, si elles nous émerveillent : ainsi l’endurance, l’oubli de soi, le service envers la communauté, le don de son bien, l’innocence, la pureté… Ceci peut être une découverte à faire individuellement en allant à sa rencontre.

4 – Sa source « d’approvisionnement » que sont la fleur, le pollen, la rosée, apporte de nouvelles prises de conscience quant à l’origine de sa pureté : en effet la fleur est très communément associée à des qualités (le langage des fleurs). On peut aller plus loin et reconnaître que les fleurs nous invitent à éprouver notre moralité.

Je n’ai pas trouvé le symbolisme du pollen dans des livres ; mais en méditant, je l’ai vu comme un « fruit » vertueux de la fleur, j’ai vu que la pratique vertueuse qu’elle représente, décuple la force de vie. Et, ô merveille, c’est cette quintessence de vie éthique que l’abeille contribue à transmettre de fleur en fleur, puis dans sa communauté, et dans son miel !…

5 – Symbolisme de ce qu’elle produit : le miel (et aussi propolis, gelée royale)

Le miel est un aliment de base exceptionnel : « Le miel est le don céleste de la rosée »(7), il est assimilé à une nourriture divine, et sa douceur puissante le relie aussi au nectar des Dieux, et à l’ambroisie, élixir d’immortalité. Est-ce ce que les Druides cherchaient à recréer à travers l’hydromel ?

Pour l’être humain, ingérer du miel renforce « son sang et ainsi son individualité, son JE ». Grâce à cela, « l’abeille peut donc symboliser les forces éthériques de croissance et de défense du Moi »(8) .

Dans mon jardin, les pissenlits sont très heureux de pousser très haut parce que Dames abeilles viennent les butiner ; et aussi les trèfles d’ailleurs. J’avais lu les conseils de Christophe Dacier sur les pelouses et les pissenlits, dans Communiquer avec son jardin ; – alors l’été dernier, je n’osais plus tondre, mais je ne pouvais plus marcher sur la pelouse (ou alors quand je disais : je tonds demain… le lendemain, il pleuvait !!) ; – puis, un jour, j’ai eu très honte parce que j’ai entendu les petits êtres du jardin se dire : on ne sait pas ce qu’elle veut !!! – alors, comment prendre ma place harmonieusement : c’est à moi de choisir, et d’en parler aux êtres du jardin. Cette année, j’expérimente : je décide d’un endroit localisé pour les pissenlits, et j’ajouterai de la lavande…

Qu’apporte-t-elle à l’humanité et la Terre ?

1 – Sur le plan physique :

Elle apporte donc l’équilibre de la Vie sur Terre, en particulier grâce à la pollinisation, ainsi qu’une nourriture de très grande qualité vibratoire.

2 – Sur le plan symbolique (que l’on peut interpréter à travers les comportements humains)

Elle apporte, par exemple, des clés sur la façon de favoriser la vie : quête d’élévation et de qualité ; exigence de pureté, de partage. Par conséquent, elle « témoigne », par la façon dont elle et sa mission ont été définies par ses créateurs, de l’importante source de forces de vie qu’est la moralité ou éthique (qualités et vertus)… Elle fait vibrer en soi les forces d’engagement absolu : « seul compte l’accomplissement de ma mission », c’est peut-être cela que nous murmure son chant magique qui, tel celui d’Orphée, peut éveiller l’aspiration à donner autant qu’elle, à laisser s’écouler le nectar sacré à travers et au-delà de soi.

… Un être d’une telle beauté, pourquoi le détruire, comment est-ce possible ?

 

Comment est-elle attaquée ?

1 – sur le plan physique

Les attaques connues sont multiples : pesticides, ondes électromagnétiques(9), quête de profit, déconnexion par rapport à la Nature…

2 – Mais là aussi, on peut rechercher ce que ces attaques représentent symboliquement ; le pesticide tue et pollue : y a-t-il en l’être humain un tel aspect destructeur et meurtrier ?

Par exemple, le regard mort : « C’est un regard qui ne voit que ce qui est matériel ! Vous voyez bien le vert de la prairie… et même quelques oiseaux… mais, vous ne percevez pas la vie, car vous n’y avez pas été éduqué…»(10). Et aussi : « l’être humain est partie intégrante de la Nature ». Étudier ces éléments ainsi que les réponses données par l’auteur apporte l’espérance, car on découvre ainsi que chacun peut agir et apporter des solutions.

De plus, on peut facilement concevoir que tuer et polluer sont des actes immoraux, totalement contraires aux vœux des fées des fleurs. Alors en cherchant en soi ses parts d’immoralité, ou de manque d’exigence, ou de comportement de guêpe ou frelon (aspect vampire), ou de complaisance envers ses désirs (au contraire de ce que propose Khalil Gibran dans son poème), on peut découvrir que se modeler sur l’abeille pour changer notre propre nature va peut-être provoquer des répercussions éthiques auxquelles on n’aurait jamais pensé, simplement parce qu’on agit sur soi, sans attendre de miraculeuses et improbables solutions officielles, extérieures.

 

Apporter des solutions

Les documents et informations sur le génocide des abeilles sèment la désespérance, car ils montrent une passivité face à ces menaces pesant sur la vie même, et ne proposent le plus souvent rien pour y remédier. Pourtant des solutions existent, et nous voulons en apporter l’espérance : chacun peut en trouver, car il est vrai que des êtres se lèvent, pour que l’humain triomphe et prenne fait et cause pour sauver la Nature.

Pourquoi devrions-nous remercier et protéger l’abeille ? Peut-être par amour pour le bien, la douceur qu’elle éveille en nous, peut-être parce que, face à nous, elle est innocente et sans défense, et que cela peut éveiller le sens de la responsabilité ; peut-être parce qu’ainsi, nous pouvons agir pour protéger la Terre et l’humanité ?

Alors, voici quelques propositions de changements qui aideraient l’abeille :

– mieux la connaître en l’observant, en l’étudiant avec une pensée emplie de vie ;

– dérouler le processus de sa mission de pollinisation effectuée grâce à la visite des fleurs ;

– aller en nature et l’observer avec un regard vivant, écouter son chant bourdonnant ;

– quand on goûte un peu de miel : donner vie à une image de la fleur et ses vertus, du pollen que l’abeille recueille et transporte, puis apporte à la ruche où il sera transformé ; penser que le miel qui en résulte est la nourriture de l’abeille dont elle nous offre une partie ; ressentir la force que le miel fait circuler en soi, les qualités qu’elle peut réveiller en nous, selon la ou les fleurs butinées,… autrement dit : par la pensée consciente, redonner vie à cet aliment délicat que nous goûtons ;

– privilégier l’achat du miel d’un producteur sur le marché ou dans une miellerie, plutôt qu’en grande surface, afin que la vie en soit préservée ;

– si on a un terrain, on peut y mettre des fleurs et arbres favorables pour elle,

– vivre plus près de la nature, afin de prendre conscience que se rythmer avec elle, pourrait redonner toute sa valeur à une agriculture respectueuse de l’environnement, et donc à des comportements plus moraux,

– se souvenir que c’est la Nature qui nous nourrit et non l’agro-alimentaire…,

– se souvenir que donner du poids aux critères de qualité est un gage de dignité pour l’être humain, car c’est cela qui le fait grandir,

– si l’on est artiste, prendre modèle sur la Nature pour saisir la profondeur de notre mission qui pourrait apporter l’harmonie et l’équilibre,

– remercier, remercier, remercier l’abeille dont nous avons reconnu le don qu’elle nous fait…

En somme, cela pourrait peut-être montrer un chemin différent : vivre plus simplement, en résistant aux excès de la société de consommation ; reconnaître la sagesse, la beauté, la force de la Création dont nous faisons partie ; comprendre notre responsabilité aimante et œuvrer afin que toutes ces qualités se développent, et que les générations à venir puissent elles aussi gambader dans les champs, respirer le parfum des fleurs et chanter avec les abeilles.

Solange Tripon
 

Références

(1) La découverte du livre Natura de Pierre Lassalle

(2) Des insectes, livre 32, Pline L’ancien

(3) Collection Bouquin, Éd. Robert Laffont pages III et V

(4) Voir aussi le chapitre 5 ; et L’Animal Intérieur du même auteur

(5) http://www.universalis.fr/encyclopedie/orphee/#

(6) http://remacle.org/bloodwolf/poetes/virgile/georgiques4a.htm: les Géorgiques livre IV

(7) Vers une nouvelle éthique, Pierre Lassalle

(8) Virgile cité dans le Dictionnaire des symboles ; la rosée est quant à elle symbole de régénération, grâce vivifiante, initiation.

(9) L’Animal Intérieur¸id. note 6

(10) voir plus de détail dans l’article d’André Fortier

(11) Natura, Pierre Lassalle, p. 96

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